Face aux contraintes réglementaires, au gel des aides et aux coûts élevés de la rénovation, le parc locatif privé pourrait perdre jusqu’à 20 % de ses logements d’ici deux ans et demi. La Fnaim tire la sonnette d’alarme, tandis que les bailleurs expriment leurs inquiétudes.

Un contexte réglementaire contraignant

La loi Climat et Résilience adoptée en août 2021 a introduit une interdiction progressive des passoires thermiques à la location. Depuis 2023, le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est devenu un critère obligatoire de décence du logement.

Calendrier des interdictions :

  • 1er janvier 2023 : interdiction des logements classés G+ (consommation supérieure à 450 kWh/m²/an)
  • 1er janvier 2025 : interdiction des logements classés G
  • 1er janvier 2028 : interdiction des logements classés F
  • 1er janvier 2034 : interdiction des logements classés E

Chiffres clés : 1,3 million de logements sont menacés d’interdiction à la location d’ici début 2028, soit environ 20% du parc locatif privé. Concrètement, cela concerne 570 000 logements classés G interdits dès 2025, puis 740 000 logements classés F à partir de 2028.

Cette élimination progressive des passoires thermiques aggrave fortement la pénurie actuelle de logements disponibles. Selon les chiffres publiés par la Fnaim le 18 juin, le nombre d’annonces de locations nues a chuté de moitié depuis 2018, passant d’environ 1,6 million à 800 000 aujourd’hui. Pour les bailleurs, le marché devient particulièrement difficile, soumis à des contraintes toujours plus strictes.

En outre, les révisions de la méthode de calcul du DPE, ou encore le manque de connaissance des aides financières à la rénovation peu connues du grand public constituent également des freins à la rénovation pour les propriétaires.

Le coût des travaux de rénovation énergétique : MaPrimeRénov’

Le succès de MaPrimeRénov’ a été confirmée par les chiffres récemment publiés par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour le premier trimestre 2025. Depuis le début de l’année, pas moins de 63 509 ménages ont bénéficié d’un coup de pouce pour rénover leur logement, une performance marquée par un triplement des rénovations ambitieuses par rapport à la même période l’année précédente.

Concrètement, 46 331 logements ont subi une rénovation dite « par geste », ciblant un seul type de travaux, principalement liés à l’installation de systèmes de chauffage plus écologiques comme les pompes à chaleur, les poêles à bois ou à granulés.

Mais ce sont surtout les rénovations d’ampleur qui impressionnent : 17 178 logements ont été concernés par ces projets complexes intégrant plusieurs travaux simultanés, permettant un bond significatif de plusieurs étiquettes énergétiques sur le DPE. C’est trois fois plus qu’au premier trimestre 2024 (5 584 rénovations). Cette forte hausse témoigne d’une appropriation grandissante du « parcours accompagné », un dispositif qui simplifie la réalisation des travaux grâce à un soutien technique et financier renforcé.

Ces travaux d’envergure ont déjà généré 1,4 milliard d’euros d’investissements, soutenus par une enveloppe publique de 700 millions d’euros.

Autre chiffre révélateur : près de 80 % des rénovations d’ampleur visent directement les logements classés F ou G, soit les habitations les plus énergivores du parc immobilier français. Enfin, côté budget, le coût moyen de ces rénovations s’élève à 59 197 euros, allégé par une aide moyenne de 41 201 euros apportée directement par MaPrimeRénov’.

La suspension de MaPrimeRénov’ : un coup dur supplémentaire

Depuis le 23 juin 2025, les propriétaires ne peuvent plus déposer de dossier pour bénéficier de MaPrimeRénov’ pour des rénovations globales. Cette suspension temporaire, décidée par l’État pour gérer les fraudes et l’afflux massif de dossiers, durera jusqu’au 15 septembre 2025.

À la reprise du dispositif, les conditions d’éligibilité vont évoluer. Les logements classés D ne seront plus concernés, seuls ceux classés E, F, et G resteront éligibles avec des critères « affinés ».

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Problèmes spécifiques en copropriété et coûts élevés des travaux

Dans les copropriétés, la réalisation de travaux énergétiques est souvent complexe. Le processus décisionnel, via les Assemblées Générales, s’avère difficile et chronophage.

Loïc Cantin, président de la Fnaim a fait part de son désespoir face au manque d’avancée concernant la proposition de loi dite « DPE G », adoptée par le Sénat en avril mais toujours bloquée à l’Assemblée nationale. Alors qu’elle visait à assouplir les règles en copropriété, elle demeure non examinée à ce jour.

Résultat : de nombreux bailleurs risquent d’être contraints de retirer leurs biens du marché, incapables d’engager les rénovations nécessaires dans les délais impartis.

Conséquences dramatiques pour les locataires

Ces contraintes réglementaires et financières ont un impact immédiat sur l’offre locative. Certaines grandes villes voient déjà leurs annonces locatives fortement diminuer, notamment pour les logements classés F et G. À Paris, par exemple, on constate une perte annuelle d’environ 8 000 logements mis en location.

Les ménages modestes, étudiants et primo-locataires sont les premiers affectés par cette raréfaction de l’offre locative. Par ailleurs, la pénurie de logements sociaux aggrave le phénomène : 2,4 millions de ménages restent en attente d’un logement social.

La réaction alarmée des bailleurs

Tandis que la Fnaim dénonce la suspension temporaire de MaPrimeRénov’, qu’elle juge « incompréhensible », les propriétaires jugent le calendrier d’application réglementaire inadapté à la réalité.

Confrontés à des coûts élevés — estimés à 40 000€ en moyenne par logement selon le ministère du Logement — 36% des propriétaires affirmaient encore ces derniers mois ne pas envisager de travaux de rénovation énergétique. D’après le sondage PAP, seuls 46,27% des propriétaires prévoyaient de rénover leur bien et 17,65% souhaitaient le vendre.

En réponse, de nombreux bailleurs optent pour la vente massive de leurs biens ou se tournent vers des stratégies alternatives, voire des pratiques illégales pour contourner les réglementations.

De plus, selon les performances énergétiques, les logements subissent des décotes significatives allant de 5% à 20%, pénalisant encore davantage les propriétaires.

Face à ces défis majeurs, la nécessité d’un plan global devient évidente pour éviter un retrait massif de logements du marché locatif. Plusieurs axes doivent être considérés :

  • La relance et la sécurisation des aides à la rénovation
  • La révision et l’adaptation réaliste du calendrier réglementaire
  • Le contrôle de l’impact inflationniste sur les prix immobiliers
  • La lutte contre la précarité énergétique pour protéger les locataires les plus fragiles

Seule une stratégie claire et concertée permettra d’éviter qu’un logement locatif privé sur cinq disparaisse du marché d’ici 2028 et, par conséquent, de préserver durablement l’offre locative, essentielle à l’équilibre social et économique du logement en France.

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