Le ministère de la Transition écologique estime que plus de trois millions d’habitations présentent aujourd’hui un risque fort de retrait-gonflement des argiles (RGA), et jusqu’à dix millions un risque moyen.
Un phénomène naturel amplifié par le changement climatique
Sous l’effet conjugué des sécheresses prolongées et des épisodes de pluies intenses, les sols argileux se contractent, puis se dilatent. Ce phénomène, appelé retrait-gonflement des argiles (RGA), fragilise les fondations de millions de maisons individuelles en France. Au fil des cycles climatiques, les murs se fissurent, les sols s’affaissent et les structures se déforment.
Longtemps cantonné à certaines régions, le RGA touche désormais une large part du territoire français. Les maisons construites avant les années 1990 (donc avant l’intégration du risque argile dans la réglementation) sont les plus exposées.
Au-delà du préjudice esthétique, le danger est bien structurel : les fissures peuvent altérer la stabilité du bâti et rendre certains logements inhabitables. Or, dans un contexte de réchauffement climatique, la fréquence et l’intensité du phénomène ne cessent d’augmenter.
Une expérimentation lancée dans onze départements
Face à l’ampleur du problème, l’État a décidé d’agir. Depuis octobre 2025, une aide expérimentale est mise en place dans onze départements pilotes : l’Allier, les Alpes-de-Haute-Provence, la Dordogne, le Gers, l’Indre, le Lot-et-Garonne, la Meurthe-et-Moselle, le Nord, le Puy-de-Dôme, le Tarn et le Tarn-et-Garonne.
Cette initiative, intégrée au troisième plan national d’adaptation au changement climatique, mobilise 30 millions d’euros de crédits publics.
L’objectif est d’accompagner les propriétaires dans la prévention et la réparation des fissures liées au retrait-gonflement des argiles, avant que ces désordres n’imposent des travaux lourds ou un classement en catastrophe naturelle.
L’expérimentation cible les maisons individuelles situées dans les zones les plus exposées et prévoit deux types de subventions, sous conditions de ressources :
- Jusqu’à 2 000 € pour la réalisation d’un diagnostic de vulnérabilité, permettant d’évaluer la stabilité des fondations et la gravité des fissures
- Jusqu’à 15 000 € pour la réalisation de travaux préventifs ou correctifs, financés à hauteur de 80 % à 90 % du coût total selon les revenus du foyer.
Ces aides couvrent également l’accompagnement et la maîtrise d’œuvre (architecte, ingénieur structure, géotechnicien) jusqu’à un plafond de 2 000 €. L’ensemble du dispositif s’effectue via la plateforme Démarches Simplifiées, garantissant un suivi administratif unifié.
Une première réponse, mais des critiques sur le fond
Si cette mesure est saluée comme une première avancée, elle suscite aussi des interrogations.
Sur le terrain, de nombreux sinistrés estiment que les montants alloués restent très en dessous des besoins réels. Les travaux de stabilisation des sols ou de reprise en sous-œuvre coûtent souvent entre 80 000 € et 150 000 €, des sommes sans commune mesure avec le plafond fixé à 15 000 €.
De plus, l’aide ne concerne que les fissures légères, inférieures à un millimètre. Or, dans de nombreuses zones touchées, notamment dans le Nord et le Sud-Ouest, les dégâts sont déjà beaucoup plus importants.
Pour Mohamed Benyahia, président de l’association Urgence maisons fissurées, cette mesure relève surtout de la communication : « Elle ne résout rien pour les sinistrés les plus touchés. Avec 15 000 €, on ne consolide pas un terrain argileux, on refait juste un crépi. »
Ces critiques mettent en lumière un enjeu de justice territoriale et sociale. Les ménages les plus modestes, souvent propriétaires de maisons anciennes, peinent à financer les diagnostics et travaux nécessaires. Or, sans intervention rapide, les fissures s’aggravent, entraînant parfois des situations de péril ou d’insalubrité.
Un enjeu croissant pour les acteurs de l’immobilier
Pour les professionnels du logement, cette problématique dépasse largement le cadre des sinistrés individuels.
Les agents immobiliers voient déjà apparaître de nouvelles exigences dans les transactions : les fissures importantes, même anciennes, freinent les ventes et obligent à réviser la valeur vénale des biens. Les syndics et administrateurs de biens doivent désormais surveiller de près les désordres structurels dans les copropriétés, notamment lors des assemblées générales consacrées aux travaux de rénovation.
Pour les gestionnaires de patrimoine, il devient essentiel d’intégrer le risque RGA dans leurs plans d’entretien et de financement. Cette vigilance s’inscrit dans une tendance plus globale : le logement n’est plus seulement un bien à valoriser, mais un actif à sécuriser face au changement climatique.
En parallèle, la Cour des comptes a recommandé en 2024 d’intégrer ce type de travaux à MaPrimeRénov’, afin de mieux articuler les aides à la rénovation énergétique et celles à la consolidation structurelle. Si cette évolution se confirmait, les propriétaires pourraient disposer d’un guichet unique pour l’ensemble des travaux liés à la durabilité du bâti.
Vers une culture du diagnostic et de la prévention
Le phénomène du retrait-gonflement des argiles illustre la mutation du secteur immobilier face aux nouveaux risques climatiques.
La connaissance technique du sol et du bâti devient une compétence incontournable, tant pour les collectivités que pour les professionnels. Le diagnostic de vulnérabilité n’est plus une formalité : il devient un instrument stratégique pour anticiper les désordres, sécuriser les occupants et préserver la valeur patrimoniale des biens.
Cette évolution appelle à une formation accrue des acteurs de terrain.
Chez SIAM Formations, nous accompagnons les professionnels dans la compréhension des pathologies du bâti, du diagnostic structurel et des risques liés aux sols.
Dans un contexte où les fissures des murs traduisent celles du climat, l’avenir du patrimoine immobilier passe par une expertise partagée entre ingénierie, réglementation et pédagogie.
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