Trois ans après l’effondrement dramatique des immeubles de la rue Pierre-Mauroy, la Ville de Lille devient la première commune de France à rendre obligatoire le diagnostic structurel des bâtiments d’habitation collectifs.
Une réponse locale à un drame urbain
Ce dispositif inédit, instauré par la loi “Habitat Dégradé” du 9 avril 2024 et précisé par le décret du 12 août 2025, vise à prévenir les effondrements liés à l’usure du bâti ancien.
L’émotion provoquée par les drames de Lille, mais aussi de Marseille quelques années plus tôt, a mis en lumière une réalité inquiétante : une partie importante du parc immobilier français souffre d’un vieillissement structurel avancé.
À Lille, la municipalité a recensé plus de 350 arrêtés de mise en sécurité d’urgence depuis 2022, un chiffre qui révèle l’ampleur du phénomène.
Désormais, les propriétaires et syndics sont appelés à devenir les acteurs de la prévention, dans une démarche à la fois réglementaire, technique et citoyenne.
Un périmètre expérimental au cœur du centre historique
Lille inaugure ce dispositif sur un périmètre pilote comprenant les rues les plus anciennes et denses du centre-ville : la rue de la Monnaie, la Grand-Place, les rues Lepelletier, Grande-Chaussée, Débris-Saint-Étienne, Pierre-Mauroy, Léon-Gambetta et Pierre-Legrand.
Ces zones concentrent un patrimoine immobilier ancien, dont les structures sont souvent fragilisé par le temps et les interventions successives.
Les propriétaires concernés recevront une notification officielle leur enjoignant de faire réaliser un diagnostic structurel par un professionnel qualifié, dans un délai de 18 mois.
Ce diagnostic devra ensuite être renouvelé tous les dix ans, afin d’assurer un suivi régulier de la solidité des bâtiments. Pour les constructions neuves, cette obligation interviendra quinze ans après la réception des travaux.
Cette première phase, expérimentale pour deux ans, donnera lieu à un bilan complet destiné à ajuster le dispositif avant une possible généralisation à d’autres secteurs.
Un nouvel outil de prévention encadré par la loi
Le diagnostic structurel est un véritable outil de prévention des risques d’effondrement.
Il consiste en une inspection visuelle approfondie à la fois intérieure et extérieure permettant de repérer les désordres affectant la stabilité du bâtiment : fissures, affaissements, déformations, infiltrations, ou encore corrosion des éléments porteurs.
Le rapport, transmis à la Ville, doit détailler la nature des désordres, évaluer leur gravité, proposer si nécessaire des investigations complémentaires et recommander des mesures de sécurisation ou de travaux correctifs.
Seuls les professionnels certifiés et indépendants peuvent réaliser ce diagnostic.
Leur responsabilité est encadrée par le Code de la construction et de l’habitation (articles R.126-43-4 à R.126-43-7), qui impose notamment une assurance responsabilité civile professionnelle d’au moins 1 million d’euros par sinistre et 1,5 million par an.
Si le propriétaire ne fournit pas le diagnostic dans les délais, la mairie peut le faire réaliser d’office, les frais étant ensuite recouvrés à son profit. Cette mesure traduit la volonté de l’État et des collectivités de rompre avec la culture de l’inaction face au risque d’effondrement.
Entre vigilance et inquiétudes des professionnels
Pour les acteurs du logement, ce diagnostic représente une avancée nécessaire, mais aussi un défi.
Emmanuel Chambat, secrétaire général de la FNAIM du Nord, salue une mesure « louable » qui permettra d’instaurer une veille structurelle du bâti. Il appelle toutefois à associer les professionnels de terrain (syndics, administrateurs de biens, gestionnaires) à la mise en œuvre opérationnelle du dispositif.
Cette démarche permettrait de garantir la cohérence et la faisabilité de ce dispositif car derrière la prévention se cachent des enjeux financiers considérables.
La réalisation d’un diagnostic structurel reste coûteuse, tout comme les travaux qu’il pourrait prescrire. Dans les copropriétés déjà fragilisées ou sous tension budgétaire, ces obligations pourraient accentuer les difficultés.
« Depuis quinze ans, les propriétaires voient s’accumuler les diagnostics, les obligations et les contrôles. Certains risquent de se décourager à entretenir ou louer leurs biens », avertissent plusieurs acteurs du marché.
Ce risque de désengagement des bailleurs privés intervient paradoxalement à un moment où le marché locatif souffre d’une offre en forte contraction. L’équilibre entre sécurité du bâti et maintien d’un parc locatif accessible sera donc déterminant pour la réussite du dispositif.
Un pas vers une culture du diagnostic global
Au-delà du seul risque structurel, cette réforme s’inscrit dans une logique plus large : celle d’une responsabilisation accrue des propriétaires face à l’état de leur patrimoine immobilier.
Le diagnostic structurel complète un ensemble de démarches déjà en place entre DPE, diagnostic amiante, plomb, électricité, gaz, ou encore plan pluriannuel de travaux (PPT), qui visent à renforcer la durabilité et la sécurité des bâtiments.
Certaines copropriétés pourront d’ailleurs satisfaire à l’obligation de diagnostic structurel via leur plan pluriannuel de travaux, à condition qu’il ait été établi par un professionnel répondant aux mêmes exigences de compétence et d’indépendance.
Cette articulation entre les outils existants illustre une évolution du cadre réglementaire vers une approche plus préventive et plus technique de la gestion immobilière, dans laquelle la maîtrise du risque devient une compétence clé.
Former pour mieux anticiper
Le diagnostic structurel marque une étape importante dans la politique de sécurisation du parc immobilier français.
Il impose aux gestionnaires, syndics et administrateurs de biens une connaissance fine du cadre juridique et technique pour accompagner les propriétaires dans leurs obligations.
Chez SIAM Formations, nous accompagnons les professionnels dans cette évolution à travers nos modules dédiés à la gestion du bâti, à la pathologie des constructions et à la réglementation technique et sécuritaire.
Ces formations permettent d’anticiper les obligations légales, de dialoguer efficacement avec les collectivités, et surtout, de transformer ces contraintes en leviers de conseil et de valorisation du patrimoine immobilier.