Dans un contexte de crise du logement et de flambée des prix immobiliers, devenir propriétaire est devenu un rêve difficilement atteignable pour de nombreux ménages modestes. Le Bail Réel Solidaire (BRS) propose une solution innovante : dissocier la propriété du terrain de celle du logement pour réduire les coûts d’acquisition. Ce dispositif encadré permet ainsi d’accéder à la propriété à moindre coût, tout en garantissant la pérennité du logement abordable. Décryptage d’un modèle en plein essor.

Devenir propriétaire

Devenir propriétaire est un choix qui, selon les motivations, peut être personnel, économique et/ou patrimonial. Selon les situations, de nombreuses raisons poussent de nombreuses personnes à acheter un logement plutôt qu’à rester locataires

Pourtant, le niveau élevé des prix immobiliers dans certaines zones, la hausse des taux d’intérêts et le manque d’offres accessibles peuvent constituer des freins conséquents à l’accession à la propriété. De nombreux facteurs personnels rentrent aussi en jeu chez les personnes aux revenus modestes : un apport personnel insuffisant, des revenus instables, des frais annexes conséquents ou encore un manque d’information peuvent ralentir ceux qui souhaitent devenir propriétaires.

Dans ce contexte, le Bail Réel Solidaire (BRS) intervient pour pallier les freins d’une catégorie de ces primo-accédants.

Le Bail Réel Solidaire : c’est quoi ?

En place depuis 2016 en France, le BRS est un dispositif juridique et foncier innovant.
Il permet de lutter contre la spéculation immobilière, qui est une pratique bien connue : le spéculateur achète un bien immobilier et anticipe une hausse des prix du marché immobilier dans l’objectif de le revendre à court ou moyen terme avec une plus-value.
Par-dessus tout, le BRS vise à favoriser l’accession à la propriété pour les ménages modestes.

Il a été mis en place par l’ordonnance du 20 juillet 2016, qui a aussi créé les Organismes de Foncier Solidaire (OFS). Il est encadré par le Code de la construction et de l’habitation (articles L. 255-1 et suivants). La loi pour un Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR) de 2014 a posé les premières bases juridiques de la dissociation entre le foncier et le bâti, ouvrant la voie au dispositif. La loi pour la croissance et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron) de 2015, sans instituer le BRS, a renforcé cette dynamique en soutenant de nouveaux outils pour faciliter l’accession à la propriété. Elle a ainsi contribué à faire émerger un modèle d’accession plus solidaire et accessible, dans un contexte de lutte contre la spéculation.

Le principe fondamental à la base du BRS est le suivant : dissocier le foncier et le bâti.

Dissociation entre le foncier et le bâti

La personne qui achète devient propriétaire du logement (du bâti) et non du terrain. Ce dernier est loué à l’OFS via le BRS qui dure minimum 18 ans et maximum 99 ans. Les OFS sont des structures à but non lucratif agréées par l’État, mis en place depuis 2017 suite aux différentes lois et mesures fiscales. Via les BRS, elles développent l’accession sociale à la propriété.
La séparation entre foncier et bâti permet de réduire significativement le prix d’acquisition, puisque le terrain – souvent responsable d’une part importante du coût global – n’est pas intégré dans le prix de vente.

Ses objectifs

Comme le terrain n’est pas à acheter, les prix d’acquisition sont par conséquent réduits et le logement devient accessible aux ménages avec des revenus modestes, leur permettant de devenir propriétaire.
En effet, ce mécanisme s’adresse à des ménages dont les revenus se situent sous les plafonds fixés par le PSLA, souvent exclus du marché immobilier traditionnel, notamment dans les zones tendues. Il leur offre une alternative durable à la location, en leur permettant de constituer un patrimoine immobilier sécurisé, même sans apport important.
Finalement, il vient favoriser la mixité sociale dans les zones tendues. Contrairement aux dispositifs d’accession sociale classiques, le BRS organise de manière contractuelle la revente du logement, de manière à éviter la reconstitution de plus-value spéculative.
Le bien reste obligatoirement sous le régime du BRS lors de chaque cession, et le prix de revente est encadré par une formule définie à l’avance. Cela garantit un prix de sortie modéré pour le futur acquéreur.
Ainsi, le dispositif maintient dans la durée une offre de logements abordables, même dans les secteurs où les prix du marché augmentent fortement. Il constitue un outil de lutte contre l’inflation immobilière et la gentrification, tout en préservant la vocation sociale du logement.

Le BRS s’inscrit dans une logique d’aménagement équilibré du territoire, en permettant à des ménages modestes d’habiter dans des secteurs centraux, bien desservis, et proches des bassins d’emplois. Il contribue à éviter la ségrégation spatiale, en intégrant des populations diversifiées (familles, jeunes actifs, seniors) dans des ensembles où l’accession libre et le logement social coexistent.
C’est un levier puissant pour les collectivités qui souhaitent construire des quartiers durables et mixtes, sans céder à la logique de « zonage social » ou de relégation périphérique.

Les conditions pour acheter via le BRS

Pour bénéficier du Bail Réel Solidaire (BRS), plusieurs conditions strictes doivent être respectées, tant du côté de l’acquéreur que du bien concerné. Ces conditions sont définies par le Code de la construction et de l’habitation et les règlements de chaque Organisme de Foncier Solidaire (OFS).

Les conditions liées à l’acquéreur

Il doit respecter des plafonds de ressources fixés par le Prêt Social Location-Accession (PSLA), qui varient selon la composition du foyer et de la zone géographique du logement (zones A, B1, B2, C).

Le logement acquis par le biais du BRS doit être occupé en tant que résidence principale. L’acquéreur n’a pas le droit de le louer, et, dans de multiples configurations, il ne doit pas être déjà propriétaire de sa résidence principale au moment de l’achat du logement.

Plafonds de ressources pour 2025 :

Les conditions liées au logement

Le logement concerné peut être un logement neuf, un logement ancien rénové ou même un logement social revendu en accession sociale. Dans le cadre de l’achat d’un logement via BRS, le bâti doit être vendu par un propriétaire ou un bailleur par le biais d’un OFS. Le prix de vente maximum au m² fixé par le règlement de l’OFS doit être respecté.

Engagement à la revente

Dans le cas où le logement serait revendu, le Bail Réel Solidaire continue avec le nouvel acquéreur qui doit également ne pas dépasser les plafonds de ressources en vigueur lors de l’achat. Le prix est également encadré pour assurer l’accessibilité du logement dans le temps.

Conditions supplémentaires possibles

Selon les OFS, des critères locaux peuvent venir s’ajouter à la liste. Par exemple, le logement peut être acheté uniquement par des personnes qui remplissent certaines conditions d’ancienneté dans la région, la priorité peut être donnée aux habitants de la commune concernée, ou l’OFS peut choisir de s’orienter vers certains profils spécifiques pour des raisons de mixité sociale (jeunes actifs, familles monoparentales).

Les inconvénients du BRS

Il est certes un outil d’accession à la propriété, mais il n’est pas sans inconvénients. En effet, le BRS présente pas mal de limitations à la fois juridiques, financiers et pratiques, souvent méconnues des candidats à l’achat.

Tout d’abord, il faut savoir que le terrain sur lequel construit le promoteur ou le bailleur social doit appartenir à un OFS.
L’acquéreur n’est jamais pleinement propriétaire du foncier qui appartient à l’OFS.
Le propriétaire doit demander l’accord de l’OFS pour réaliser certains travaux lourds ou structurants. Cela peut freiner des projets d’amélioration, de surélévation, ou de transformation du bien.

La revente du logement est encadrée et aussi limitée

Le ménage acquéreur peut acheter le logement uniquement avec un prix plafonné qui s’applique aussi obligatoirement à la revente qui est très encadrée et limitée. L’acquéreur ne peut pas revendre au prix du marché qui est défini par une formule fixée dans le bail, visant à préserver l’accessibilité. Par exemple, un acheteur qui envisage l’achat immobilier comme un placement patrimonial (et non uniquement résidentiel) pourrait être déçu de ne pas pouvoir capitaliser comme en accession classique.

• Prix de revente plafonné : l’acquéreur ne peut pas revendre au prix du marché. Le prix est défini par une formule fixée dans le bail, visant à préserver l’accessibilité.
• Moins-value potentielle si le marché immobilier local flambe (le vendeur ne capte pas cette plus-value).
• Revente uniquement à des ménages éligibles au BRS (sous conditions de ressources), ce qui réduit la liquidité du bien.

Le fait que le logement doit forcément être la résidence principale peut devnir contraignant en cas de changement de situation personnelle brusque (divorce).

Situé en moyenne entre 1 et 2€ par m² par mois, le loyer foncier est perpétuel, du moins tant que le bail est en vigueur. Même après avoir remboursé le prêt immobilier, il ne disparaît pas.

Aussi, tous les établissements bancaires ne financent pas encore facilement le BRS, bien que la situation s’améliore.

Et en cas de d’héritage ?
Dans ce cas, la transmission du bien est encadrée : les héritiers peuvent l’occuper s’ils remplissent les conditions, sinon, le bien devra être vendu à un acquéreur éligible au BRS, ce qui peut être contraignant.

 

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Taxe foncière

C’est le propriétaire du logement (l’accédant en BRS) qui paie la taxe foncière, et non l’Organisme de Foncier Solidaire (OFS), même si ce dernier reste propriétaire du terrain.

La taxe foncière est due par l’occupant propriétaire du bâti, même s’il ne détient pas le terrain. Juridiquement, le BRS est un bail de longue durée (de 18 à 99 ans) qui confère un droit réel immobilier. Ce droit réel fait du preneur BRS un quasi-propriétaire au regard des impôts locaux.
C’est l’occupant qui assume la fiscalité, car il profite économiquement du bien, il n’y a pas de distinction liée au fait que le foncier appartient à un OFS.

La taxe foncière est calculée comme pour toute propriété classique, sur la base de la valeur locative cadastrale du bien.
Bien qu’aucun allègement automatique ne soit prévu en BRS au titre du régime lui-même, des exceptions et allégements restent possibles. Si le logement est neuf, il peut bénéficier d’une exonération temporaire de taxe foncière pendant 2 ans. De plus, certaines collectivités appliquent des exonérations spécifiques pour l’accession sociale (sur délibération locale uniquement).

Résumé des avantages du BRS