Face à la crise du logement, le gouvernement entend raviver la flamme de l’investissement locatif grâce à la création d’un statut du bailleur privé, une mesure présentée comme un levier fiscal majeur pour soutenir la construction et la rénovation du parc immobilier, dans le cadre du projet de loi de finances 2026.
Une mesure très attendue dans un contexte de crise profonde
Le marché du logement traverse une crise sans précédent : chute des ventes dans le neuf, raréfaction de l’offre locative, recul de l’investissement privé et difficultés accrues pour les ménages à se loger. Dans ce contexte, le gouvernement ambitionne de redonner de l’élan au marché locatif en introduisant un nouveau cadre pour les propriétaires privés. Cette initiative, pensée comme un outil fiscal stratégique, vise à stimuler la production de logements neufs et à favoriser la réhabilitation du patrimoine existant.
Annoncée par le ministre de la Ville et du Logement Vincent Jeanbrun, elle s’inscrit dans le cadre du projet de loi de finances 2026.
Le texte avait initialement disparu du budget, suscitant de vives inquiétudes dans le secteur, avant d’être réintroduit sous forme d’amendement gouvernemental. L’objectif affiché est clair et consiste à redonner confiance aux investisseurs individuels et enrayer la contraction de l’offre locative.
Le ministre parle d’un “plan d’urgence pour le monde du logement”, conscient que sans investisseurs privés, aucune relance durable ne pourra se concrétiser. Aujourd’hui, les bailleurs privés représentent environ un quart du parc locatif français, un maillon essentiel mais fragilisé par la complexité réglementaire et la baisse des rendements.
Un dispositif fiscal pour relancer l’investissement
Le nouveau statut du bailleur privé vise à instaurer un cadre fiscal stable et attractif.
La première version de l’amendement prévoit un mécanisme d’amortissement fiscal permettant aux propriétaires de déduire chaque année 2 % du prix d’achat d’un logement neuf de leurs revenus locatifs imposables, à condition que le bien soit loué nu pendant au moins neuf ans.
Cette réduction d’assiette fiscale, inspirée du rapport parlementaire Daubresse-Cosson, s’accompagne d’un plafonnement à 5 000 € par an pour éviter tout abus.
Les logements anciens pourraient également être concernés, via des incitations ciblées à la rénovation énergétique et à la mise en location de biens vacants, mais ces modalités restent à arbitrer.
Pour le ministère du Logement, ce dispositif représente un “signal fort envoyé au secteur”, dans un contexte où les ventes aux investisseurs particuliers se sont effondrées de plus de 50 % entre 2024 et 2025.
Il s’agit aussi d’une réponse pragmatique à la disparition du dispositif Pinel fin 2024, jugé trop coûteux pour l’État mais dont la suppression a laissé un vide fiscal pour les investisseurs.
Des ambitions revues à la baisse
Si le gouvernement affiche sa volonté de relancer l’investissement locatif, le contenu de l’amendement est jugé minimaliste par de nombreux professionnels.
Le taux d’amortissement retenu (2 %) reste très inférieur aux 5 % proposés par le rapport Daubresse-Cosson pour le neuf et aux 4 % envisagés pour l’ancien rénové.
La FNAIM et l’UNPI regrettent une approche « trop timide », concentrée sur le neuf, alors que le parc ancien constitue le premier gisement de logements disponibles à court terme.
D’autres acteurs, comme la Fédération Française du Bâtiment (FFB), y voient toutefois une première étape à consolider : « La création du statut du bailleur privé figurera bien au budget 2026, c’est déjà une victoire collective », a déclaré son président Olivier Salleron lors du Sommet de la construction.
Des parlementaires de divers bords (Horizons, Liot, Modem, LR) ont d’ailleurs déposé des amendements alternatifs plus ambitieux, prévoyant des taux d’amortissement compris entre 3,5 % et 5 %, et des bonus fiscaux pour les loyers modérés ou sociaux.
Ces propositions rejoignent la philosophie du rapport Daubresse-Cosson, c’est-à-dire une fiscalité incitative, mais encadrée, au service d’un investissement responsable et socialement utile.
Redonner confiance aux propriétaires et dynamiser l’offre
Pour Vincent Jeanbrun, ce statut ne doit pas être perçu comme une niche fiscale, mais comme un outil de redynamisation du parc locatif privé.
En permettant aux propriétaires de mieux amortir leurs charges et de stabiliser leurs revenus, l’État espère relancer la construction, encourager la rénovation énergétique et mobiliser le parc locatif existant.
L’enjeu est d’abord économique, car la relance de l’investissement locatif soutient directement le secteur du bâtiment et de la promotion immobilière, aujourd’hui en tension.
Il est également social, car elle favorise le retour de logements accessibles sur le marché, alors que la pénurie atteint des niveaux critiques dans la plupart des grandes villes.
À terme, le gouvernement espère créer ou remettre sur le marché environ 90 000 logements supplémentaires par an d’ici 2030, répartis entre le neuf, l’ancien rénové et les logements vacants remis en location.
Une réforme qui interroge les pratiques du secteur
Si la mesure séduit par son ambition, elle soulève des questions de mise en œuvre. Comment garantir la pérennité du dispositif fiscal face aux changements politiques successifs ? Comment concilier attractivité pour les investisseurs et justice fiscale vis-à-vis des ménages non propriétaires ?
De plus, l’efficacité réelle de la défiscalisation dépendra de la simplicité administrative du dispositif, condition indispensable pour convaincre les bailleurs individuels souvent rebutés par la complexité des démarches.
L’articulation avec les autres aides existantes, notamment MaPrimeRénov’ pour les rénovations énergétiques, devra être clarifiée afin d’éviter la superposition des dispositifs.
Ces ajustements détermineront si le statut du bailleur privé deviendra une réforme structurelle ou un simple signal politique.
Se former pour comprendre, conseiller et anticiper
La création de ce statut marque un tournant dans la politique du logement : le bailleur privé n’est plus un acteur isolé, mais un véritable partenaire économique de la politique de l’habitat.
Pour les professionnels de l’immobilier, cette évolution appelle une compréhension fine des mécanismes fiscaux et des nouveaux leviers d’investissement.
Chez SIAM Formations, nous accompagnons cette mutation, notamment à travers nos formations en fiscalité immobilière.
Ces modules permettent aux gestionnaires, conseillers et administrateurs de biens de maîtriser les outils fiscaux et de proposer des stratégies adaptées à leurs clients investisseurs.
Dans un contexte où la stabilité réglementaire devient un enjeu de confiance, la compétence et la pédagogie des professionnels feront la différence.
C’est en anticipant les réformes, et non en les subissant, que les acteurs du logement pourront transformer cette crise en opportunité de repositionnement durable.